Le Conseil national des finances publiques (« CNFP »), nouvelle institution budgétaire indépendante chargée d’évaluer les finances publiques du Luxembourg, a adopté lors sa réunion du 27 mai dernier sa première « Evaluation des finances publiques », préparée à l’occasion du Programme de stabilité et de croissance pour la période 2015-2019.
Dans son introduction, l’évaluation décrit les principaux éléments de l’architecture budgétaire et économique réformée dans le sillage de la crise économique et financière en Europe et le rôle qui revient au CNFP par la loi du 12 juillet 2014 relative à la coordination et à la gouvernance des finances publiques. En ce qui concerne l’évaluation proprement dite, elle examine le contexte économique international et national, l’évolution des finances publiques (y compris la dette publique) sur les années 2014 à 2019 ainsi que la viabilité à long terme des finances publiques. L’évaluation comporte en outre des recommandations et demandes (dont un récapitulatif est fourni dans une des annexes de l’évaluation) et le CNFP s’attend à ce que les autorités compétentes y répondent selon le principe du « comply-or-explain » prévu par les dispositions européennes.
Le CNFP conclut dans son analyse qu’à court terme, la règle budgétaire portant sur le solde structurel[1] devrait être respectée. Vers la fin de la période sous revue toutefois, le solde structurel se détériorerait de plus en plus, sans que pour autant l’écart par rapport à l’objectif à moyen terme ou « OMT », qui s’élève +0,5% du PIB en termes structurels, ne devienne « important »[2]. Un dérapage, soit du côté des recettes, soit du côté des dépenses, serait cependant de nature à donner lieu à un écart potentiellement « important », déclenchant de la sorte le mécanisme de correction automatique prévu par la loi du 12 juillet 2014.
Quant à la seconde règle budgétaire de la loi du 12 juillet 2014, à savoir le montant maximal des dépenses de l’administration centrale qui ne doit pas être dépassé, le CNFP estime que la règle serait respectée en 2015. Mais le Conseil n’est pas en mesure de donner un avis sur la conformité, ou non, à cette règle budgétaire étant donné que la loi de programmation financière pluriannuelle pour la période de 2014 à 2018 a omis d’arrêter les plafonds pour les dépenses de l’administration centrale.
Les nouvelles projections à plus long terme semblent par ailleurs confirmer que les dépenses liées au vieillissement de la population augmenteraient sensiblement à l’avenir. Alors que la nouvelle estimation présentée dans le cadre du Programme de stabilité et de croissance pour la période 2015-2019 paraît plus favorable que par le passé, elle repose sur un scénario macroéconomique résolument plus optimiste qui présuppose que le Luxembourg serait capable de générer de manière soutenue une croissance supérieure à la moyenne européenne et que la population résidente du Luxembourg se verrait doublée à 1,1 million d’habitants à l’horizon 2060.
Dans sa conclusion, le CNFP estime que le Luxembourg présente encore une situation plutôt favorable en matière de finances publiques comparé à d’autre pays. Si à court terme, les principales règles budgétaires devraient être respectées, le rythme de croissance soutenu des dépenses publiques et la dégradation progressive de l’équilibre budgétaire feront toutefois que le respect de ces règles semble loin d’être assuré à moyen et à long terme. A plus long terme, les coûts résultant du vieillissement de la population devraient inciter les autorités politiques à adopter une approche intergénérationnelle permettant d’anticiper, voire de remédier à une situation de déséquilibre potentiel des finances publiques.
Le CNFP procédera à sa prochaine évaluation des finances publiques luxembourgeoises en automne à l’occasion du projet de loi sur le budget de l’Etat 2016 ainsi que du projet de loi sur la programmation financière pluriannuelle pour la période 2015 à 2019.
[1] Le solde structurel est le solde budgétaire nominal des administrations publiques corrigé des variations conjoncturelles et déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires. La principale règle budgétaire de la loi du 12 juillet 2014 stipule que le solde structurel doit être supérieur ou égal à l’OMT (ou y converger rapidement).
[2] Selon la loi du 12 juillet 2014, un écart par rapport à l’OMT est considéré comme « important » s’il est supérieur ou égal à 0,5% du PIB sur une année donnée ou à 0,25% du PIB en moyenne sur deux années consécutives.