Evaluation des finances publiques - Novembre 2025

Le Conseil national des finances publiques (CNFP) a procédé à son Evaluation des finances publiques à l’occasion du projet de budget pour 2026 (PB 2026) et du projet de loi de programmation financière pluriannuelle pour la période 2025-2029 (PLPFP 2025-2029). L’article 30 du texte du projet de loi budgétaire introduit plusieurs modifications à la loi du 12 juillet 2014 relative à la coordination et à la gouvernance des finances publiques. L’attribution au CNFP de la mission d’évaluer les règles relatives au cadre budgétaire européen mérite d’être relevée. Les chapitres qui se rapportent au solde structurel et à l’objectif budgétaire à moyen terme (OMT) n’ont pas été modifiés par le projet de loi budgétaire sous revue. Le CNFP en conclut que le critère de l’OMT reste en vigueur au niveau national et constate que l’OMT de 0,00% du PIB serait respecté sur la période 2025-2027. A partir de 2028, le solde structurel dépasserait l’OMT, et un écart important se produirait en 2029.

Le CNFP rappelle que l’OMT prend en compte un tiers des coûts futurs projetés liés au vieillissement de la population, qui passeraient de 17,2% du PIB en 2022 à 27,9% du PIB en 2070 au Luxembourg, et considère ainsi la dimension de la soutenabilité à long terme des finances publiques. Dans l’hypothèse où le concept de l’OMT était maintenu au niveau national, le Luxembourg aurait la possibilité d’adapter la méthodologie de calcul à des spécificités nationales, par exemple en adoptant une approche plus nuancée pour certaines catégories de dépenses, telles que les investissements. Outre la règle budgétaire nationale à définir pour l’avenir, le CNFP réitère sa proposition de découpler le volet pluriannuel et le budget annuel afin de permettre une meilleure utilisation de l’outil stratégique qu’est le cadre budgétaire à moyen terme. Quoi qu’il en soit, le nouveau cadre national devra idéalement être défini dans une vue à moyen et long terme et être adapté aux défis actuels et futurs du pays (vieillissement de la population, logement, transition énergétique et digitale, mobilité, défense, etc.).

Les perspectives économiques et budgétaires du Luxembourg, mais aussi celles de la zone euro, restent entourées d’une forte incertitude, en raison d’un contexte macroéconomique international fragile et instable à la suite de la persistance de tensions géopolitiques et commerciales. Du côté budgétaire, il convient par ailleurs de relever que ni l’impact de la réforme fiscale envisagée (prévue pour entrer en vigueur en 2028), ni l’effort supplémentaire requis en matière de défense – au-delà des 2% du RNB retenus dans le PLPFP 2025-2029 – pour atteindre le nouvel objectif de 5% du RNB fixé par l’OTAN ne sont pris en compte dans la documentation budgétaire. Même si cela tient au fait que le budget (pluriannuel) est établi à législation constante, les deux éléments se traduiront à moyen terme par une charge accrue pour les finances publiques. Le coût de la réforme des classes d’imposition est estimé à quelque 850 millions d’euros en 2028 et 2029, tandis que l’effort supplémentaire de défense devrait se situer, d’après une estimation du CNFP et sous l’hypothèse d’une augmentation linéaire des dépenses de défense d’ici 2035, à 880 millions d’euros en 2029 (190 millions d’euros en 2026, 400 millions d’euros en 2027 et 630 millions d’euros en 2028). Certaines dépenses d’investissement, actuellement comptabilisées dans d’autres postes du budget de l’Etat, pourraient toutefois être éligibles au titre de l’effort de 1,5% du RNB consacré aux dépenses de défense non essentielles compris dans l’enveloppe globale de 5% du RNB. Cela pourrait réduire l’effort de défense supplémentaire requis de moitié au maximum, soit à quelque 440 millions d’euros en 2029.

Concernant les prévisions macroéconomiques, l’économie luxembourgeoise devrait croître, selon le PLPFP 2025-2029, de 1,0% en 2025 et de 2,0% en 2026, avant de se stabiliser à 2,3% à moyen terme (2027-2029). Le CNFP note une importante révision à la baisse de la prévision de croissance pour 2025 par rapport à la LPFP 2024-2028 d’octobre 2024 (1,0% contre 2,7%). La faible progression de l’activité à court et moyen terme, qui serait inférieure à la croissance historique de 2,9% (1995-2024), devrait se refléter également sur le marché du travail. L’emploi devrait progresser de 1,0% en 2025, de 1,5% en 2026 et devrait atteindre une progression de 1,9% en 2029, restant ainsi inférieure à sa progression historique de 3,0% (1995-2024). Ces prévisions sont également plus prudentes que celles présentées dans la LPFP 2024-2028 en octobre 2024 (1,5% en 2025 et 2,5% en 2028). Le taux de chômage devrait diminuer de 6,0% en 2025 à 5,1% en 2029. Concernant le taux d’inflation, il devrait s’établir à 2,1% en 2025, puis, à la suite de la prise en charge par l’Etat d’une partie des coûts du réseau électrique en 2026, ralentir à 1,4% en 2026, avant de se stabiliser autour de 2,0% sur la période 2027-2029.

En matière de gestion des finances publiques, le solde nominal des administrations publiques resterait négatif sur toute la période considérée pour passer d’un déficit de 706 millions d’euros en 2025 (0,8% du PIB) à un déficit de 1 264 millions d’euros en 2029 (1,1% du PIB). Cette augmentation progressive du déficit s’explique par le maintien de déficits importants au niveau de l’administration centrale (quelque 1,5 milliard d’euros en moyenne annuelle sur la période 2026-2029), combiné à une dégradation de l’excédent de la sécurité sociale (qui est prévu de passer de 996 millions d’euros en 2026 à 145 millions d’euros en 2029). Du côté de l’administration centrale, les recettes ne renoueraient plus avec leur croissance historique (+4,5% en moyenne annuelle sur la période 2025-2029 contre +6,5% sur la période 1996-2024) et la hausse des dépenses se maintiendrait à un taux élevé (+6,1% en 2025 et +5,7% en 2026). A moyen terme, les prévisions de croissance modérée des dépenses (+4,7% en moyenne sur la période 2027-2029 contre +6,5% sur la période 1996-2024) demanderaient un effort d’économies notable. Du côté de la sécurité sociale, les mesures retenues dans le contexte de la « Sozialronn » permettraient de retarder la trajectoire de dégradation du solde par rapport à celle prévue dans la LPFP 2024-2028, mais seulement de deux ans. En tenant compte des coûts indicatifs et hypothétiques de la réforme fiscale envisagée et de l’effort de défense supplémentaire susmentionnés, estimés par le CNFP à un total entre 1,3 et 1,7 milliard d’euros en 2029, le déficit des administrations publiques pourrait se situer entre 2,6 milliards d’euros (soit 2,3% du PIB) et 3,0 milliards d’euros (soit 2,7% du PIB) en 2029 au lieu des 1,3 milliard d’euros (soit 1,1% du PIB) figurant au PLPFP 2025-2029. Ceci, à moins que ces coûts ne soient compensés par des économies et/ou par des recettes additionnelles. Bien que les critères de Maastricht continueraient à être respectés, la question qui se pose est de savoir de quel potentiel d’accroissement de ses moyens l’Etat disposerait à l’avenir, a fortiori en cas de futurs chocs économiques et géopolitiques.

Communiqué.

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