Dans son « Evaluation des finances publiques » sur le projet de budget pour 2023 (« PB 2023 ») et le projet de loi de programmation financière pluriannuelle pour la période 2022-2026 (« PLPFP 2022-2026 »), le Conseil national des finances publiques (« CNFP ») note le recours par le Gouvernement à la clause « pour circonstances exceptionnelles » prévue au niveau national pour les exercices budgétaires 2022 et 2023, ceci national au vu de l’application, au niveau européen pour ces exercices, de la « clause dérogatoire générale ». Il s'ensuit que le Gouvernement n’est pas tenu de respecter l’objectif budgétaire à moyen terme (« OMT ») fixé à +0,50% du PIB en 2022 et à 0,00% en 2023.
Pour les années 2024-2026, le PLPFP 2022-2026 fixe l’OMT à 0,00% du PIB. Or, au vu des projections macroéconomiques et budgétaires retenues dans le PLPFP 2022-2026, les finances publiques ne seraient plus en ligne avec la règle actuelle relative à la conformité du solde structurel par rapport à l’OMT en 2024, et aucune trajectoire d'ajustement graduelle du solde n'est prévue pour les années 2025-2026 dans la documentation budgétaire. Il faut cependant noter qu'en date du 9 novembre la Commission européenne (« CE ») a fourni des orientations pour une réforme future du cadre de gouvernance budgétaire. Le CNFP estime dès lors que la question ou toute conclusion quant au respect ou non du cadre budgétaire est actuellement prématurée.
Les prévisions macroéconomiques et budgétaires du PLPFP 2022-2026 restent entourées de multiples incertitudes liées à l'évolution de la crise sanitaire et aux conséquences économiques et autres de la guerre en Ukraine.
Concernant les prévisions macroéconomiques, la croissance de l'activité économique, actuellement proche de celle observée au niveau européen (2,5% contre 2,7%), devrait ralentir en 2023 (2,0%) tout en étant supérieure à celle au niveau européen (1,1%). Au cours des années 2024-2026, elle devrait dépasser légèrement la barre des 2%. Quant à l'inflation, le PLPFP 2022-2026 a élaboré ses prévisions à l'issue de l'accord tripartite et table sur un taux d'inflation de 6,2% en 2022 et 2,8% en 2023. Par la suite et sous l'hypothèse que le choc des prix énergétiques n'est que transitoire, l'inflation devrait atteindre 2,4% en 2024, 1,5% en 2025 et 1,7% en 2026. Les projections macroéconomiques n’appellent pas d’objection particulière si on les évalue sur base des informations disponibles lors de l’établissement du PB 2023 et du PLPFP 2022-2026, mais risquent de se révéler trop optimistes si l’on considère les dernières prévisions des différentes institutions internationales.
Concernant les prévisions budgétaires, les mesures prises par le Gouvernement pour soutenir les ménages et les entreprises face aux incertitudes économiques et à l'impact de la hausse des prix énergétiques continuent à peser sur le solde nominal des administrations publiques et expliquent en partie la dégradation importante des soldes budgétaires du PLPFP 2022-2026. Les déficits des administrations publiques en 2022 et 2023, qui devraient atteindre -0,4% respectivement -2,2% du PIB (soit 1,8 milliards d’euros), se présenteraient légèrement plus défavorablement (d’environ 0,4 point de % du PIB en moyenne) que ceux publiés récemment par la CE, ceci en dépit d’une prévision de croissance économique plus importante (d’environ 1 point de % en moyenne) que celle utilisée par la CE. Les déficits des années 2022 et 2023 pourraient ainsi a priori être qualifiés de prudents. A moyen terme, même si les taux de croissance des recettes sont supposés dépasser ceux des dépenses, ils seraient néanmoins insuffisants pour compenser la forte progression des dépenses en 2022-2023. Alors que les paquets de mesures sont prévus de prendre fin en 2023, les dépenses, dont certaines paraissent rigides à la baisse, augmenteraient néanmoins encore les années suivantes. Il s'ensuit que le solde des administrations publiques ne devrait s'améliorer que lentement pour s'établir à -0,9% du PIB en 2026, et, notamment le déficit du côté de l’administration centrale persisterait (déficit passant de -2,3% du PIB en 2024 à -1,7% du PIB en 2026).
Concernant la dette publique, cette dernière poursuit de ce fait sa tendance haussière observée depuis plusieurs années et devrait atteindre 27,7% en 2024 (contre 26,3% projeté pour cette année par la CE) et 29,5% du PIB en 2026. L'objectif gouvernemental de maintenir l'endettement en-dessous de 30% du PIB est ainsi certes respecté, mais avec une faible marge. L'évolution prévue pourrait ainsi réduire la marge de manœuvre budgétaire en cas d'aggravation ou de nouvelle crise, ceci notamment en conjonction avec la hausse déjà élevée prévue en matière des Impôts courants sur le revenu, le patrimoine, etc… en 2024-2026.