Dans son « Evaluation des finances publiques » sur le programme de stabilité et de croissance du Luxembourg pour la période de 2022 à 2026 (« PSC 2022 »), le Conseil national des finances publiques (« CNFP ») prend note du recours par le Gouvernement à la clause « pour circonstances exceptionnelles » prévue au niveau national pour les exercices budgétaires 2020 à 2022. Le Gouvernement n’est donc pas tenu de respecter l’objectif budgétaire à moyen terme (« OMT »), tel que prévu par la loi modifiée du 12 juillet 2014 relative à la coordination et à la gouvernance des finances publiques, et qui est de +0,50% du PIB sur cette période. Le CNFP note toutefois que - selon les prévisions du PSC 2022, qui se trouvent confortées par les prévisions du STATEC dans sa récente Note de conjoncture 1-2022, - à partir de l’année 2021 soit l’OMT serait respecté malgré tout, soit le solde structurel ne présenterait pas un écart important par rapport à l’OMT (ceci n’est pas le cas pour les autres pays de la zone euro).
En l’absence, au moment de l’élaboration et du dépôt du PSC 2022, d’une décision de la Commission européenne (« CE ») (désormais prise en date du 23 mai 2022) et du Conseil européen de suspendre les règles budgétaires également pour l’année 2023, le Gouvernement s’est référé au cadre légal actuel et il a, partant, fixé l’OMT à 0,00% du PIB sur la période de 2023 à 2025 (en s’alignant de la sorte sur le nouvel OMT minimal calculé par la CE en avril 2022) et le respecterait selon les prévisions du PSC 2022. Dans ce contexte, il faut toutefois mentionner que la CE a annoncé de fournir des orientations sur d’éventuelles modifications des règles budgétaires avant la fin de l’année en cours et qui auraient vocation à s’appliquer dès la fin de la suspension précitée de règles actuelles. Ainsi, il est actuellement inconnu quels principes de gouvernance budgétaire précis s’appliqueront à partir de 2024.
Côté macroéconomique, l’inflation élevée et le climat économique actuellement hautement incertain pèsent lourdement sur l’évolution économique du Luxembourg, dont la croissance est estimée à 1,4% en 2022, après une forte reprise économique enregistrée en 2021 (6,9%). L’économie luxembourgeoise semble donc aujourd’hui davantage impactée que la zone euro (3,0% de croissance en 2022 selon le PSC 2022), au vu notamment du fait que les marchés financiers, qui jouent un rôle particulièrement important pour l’économie du Luxembourg, ont réagi de manière sensible aux incertitudes actuelles. Ces contingences sont notamment liées à l’issue de la guerre en Ukraine, aux perspectives en matière de développement de l’inflation, aux décisions de politique monétaire à venir et au comportement des différents acteurs économiques. En dépit de ces défis, l’activité économique du Luxembourg devrait rebondir de 2,9% en 2023 avant d’osciller autour de 2,7% à moyen terme (2024-2026) et serait donc proche des prévisions établies dans la loi de programmation budgétaire pluriannuelle (LPFP) 2021-2025 (établie avant le déclenchement de la guerre en Ukraine) et du taux historique.
Concernant les prévisions budgétaires, le solde nominal des administrations publiques prévu au PSC 2022 baisse de +0,9% du PIB en 2021 (650 millions d’euros) à -0,7% du PIB en 2022 (-544 millions d’euros) et à -0,4% du PIB en 2023, se présentant ainsi moins favorablement que les prévisions présentées par la CE en mai, après finalisation du PSC (-0,1% du PIB en 2022 et +0,1% du PIB en 2023). A moyen terme (2024-2026), l’évolution des recettes (+4,6%) prévue au PSC 2022 est estimée dépasser celle des dépenses (+4,3%), contre une évolution historique (1996-2020) de respectivement +5,9% et +6,5%. Le solde nominal s’améliorerait ainsi lentement en direction d’un solde équilibré de +0,00% du PIB en 2026. Alors qu’une légère amélioration se montre au niveau du solde de l’administration centrale (qui présenterait d’ailleurs toujours un déficit de 551 millions d’euros en 2026, après un déficit moyen de quelque 1,3 milliard sur la période 2022 à 2024), le CNFP note une détérioration assez marquée au niveau du solde de la sécurité sociale. En effet, la sécurité sociale présenterait un surplus de seulement 242 millions d’euros en 2026 contre encore 1,2 milliard en 2019.
Comparativement aux précédentes estimations budgétaires (c.-à-d. la LPFP 2021-2025[1] votée en décembre 2021), le CNFP constate seulement une légère dégradation du solde nominal des administrations publiques (d’environ 50 millions d’euros en moyenne sur la période 2021-2025), alors que ces estimations ne prenaient pas encore en compte l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ceci s’explique notamment par une rectification du solde nominal de l’année 2021 d’environ 1 milliard d’euros dans le PSC 2022 (notamment due à une amélioration des recettes de 795 millions d’euros) qui serait donc presque du même ordre de grandeur que la dégradation du solde nominal estimée pour les années suivantes (2022-2025) suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie (et qui a son origine à la fois dans le ralentissement économique et les programmes d’aide aux ménages et aux entreprises décidées notamment dans le cadre de la Tripartite du 31 mars 2022). Par rapport à la LPFP 2019-2023 (établie avant la pandémie de la COVID-19), le CNFP constate également une amélioration des recettes (de presque 390 millions d’euros en moyenne sur la période 2022-2023) qui est toutefois nettement inférieure à la hausse des dépenses (d’environ 2,2 milliards d’euros en moyenne sur la même période). La détérioration du solde qui en résulte (1,8 milliard d’euros) s’explique d’une part par les nouvelles mesures prises dans le contexte de la guerre en Ukraine, par les nouvelles mesures indiquées dans le cadre des LPFP 2020-2024 et 2021-2025, ainsi que d’autre part par les hypothèses plus élevées en matière d’échelle mobile (ou nombre indice « NI ») retenues au PSC 2022 par rapport à la LPFP précitée, mais également (à hauteur d’environ 1 milliard d’euros) par une estimation nettement plus modérée des dépenses affichée, notamment courantes, lors du dépôt de la LPFP 2019-2023.
Bien que l’objectif gouvernemental de maintenir l’endettement public en-dessous de 30% du PIB soit respecté suivant les prévisions du PSC 2022 sur toute la période, il apparaît que la dette publique est estimée progresser d’environ 8 points de % du PIB (environ 7,5 milliards d’euros) en comparaison avec la trajectoire de la dette prévue dans la LPFP 2019-2023.
Le CNFP tient finalement à souligner que son évaluation tient certes compte dans la mesure du possible d’informations disponibles fin mai, mais que ces informations apparues après la publication du PSC 2022 de fin avril n’ont qu’un caractère complémentaire pour la présente évaluation du PSC 2022, qui est nécessairement effectuée principalement sur base des informations disponibles au moment de l’élaboration par le Gouvernement de ce dernier.