Le Conseil national des finances publiques (CNFP) vient de publier son « Evaluation des finances publiques » préparée à l’occasion du « Programme de stabilité et de croissance pour la période 2021 à 2025 » (PSC 2021) présenté par le Gouvernement en date du 27 avril 2021.
Le PSC 2021 s’inscrit toujours dans le contexte particulier de la crise sanitaire, économique et sociale autour de la COVID-19. A cet égard, le CNFP prend note du recours par le Gouvernement à la clause « pour circonstances exceptionnelles » prévue à l’article 6, paragraphe 1, de la loi modifiée du 12 juillet 2014 relative à la coordination et à la gouvernance des finances publiques, ceci pour les exercices budgétaires 2020 et 2021 ainsi que et, selon toute vraisemblance, aussi pour 2022.
Il convient de rappeler que l’invocation de la clause pour circonstances exceptionnelles sur le plan national dépend du maintien, au niveau européen, d’une clause dérogatoire générale des règles essentielles du pacte de stabilité et de croissance, applicable à tous les Etats membres. D’après les informations actuellement disponibles, cette clause dérogatoire générale devrait en effet continuer à s’appliquer en 2022.
Par conséquent, malgré le fait que les soldes budgétaires structurels s’élèveraient respectivement à -2,4% (2020), -0,7% (2021) et -0,3% (2022) du PIB d’après le PSC 2021, le Gouvernement n’est pas tenu de respecter l’objectif budgétaire à moyen terme (« OMT »), qui est de +0,5% pour ces exercices. Il s’ensuit que le mécanisme de correction, qui devrait être appliqué en temps normaux en cas d’écart dit « important » du solde structurel par rapport à l’OMT (écart de 0,5% sur un an ou de 0,25% en moyenne sur deux ans), n’aura pas lieu d’être déclenché pour ces années.
Pour les exercices 2023 à 2025, l’OMT minimal sera refixé en 2022 au niveau européen et communiqué aux Etats membres afin que les gouvernements respectifs puissent en tenir compte dans la fixation de leur OMT. Suivant le PSC 2021, le Gouvernement se base sur un OMT minimal inchangé par rapport à la situation actuelle de +0,5% du PIB, ceci notamment sur base des projections récentes des coûts liés au vieillissement du « 2021 Ageing Report » de la CE. Le CNFP note qu’un OMT de +0,5% du PIB continuerait à ne pas être respecté selon le PSC 2021 pour ces années, mais que les soldes structurels ne présenteraient pas un écart important par rapport à l’OMT.
Concernant les prévisions macroéconomiques, la chute observée du PIB réel en 2020 suite à la pandémie est significativement plus prononcée dans la zone euro (-7,1%) que celle estimée au Luxembourg (-1,3%). L’ampleur de la crise attendue pour le Luxembourg en 2020 est dès lors résolument moins profonde qu’initialement prévue (-6,0% encore estimée pour 2020 dans la LPFP 2020-2024 votée en décembre 2020). Il s’ensuit que le redressement de l’économie luxembourgeoise en 2021 sera également moins marqué qu’estimé fin 2020 (4,0% contre 7,0% dans la LPFP 2020-2024). A noter toutefois, que selon la plus récente Note de conjoncture (« NDC ») du STATEC, la croissance économique réelle pourrait atteindre 6,0% en 2021. A partir de l’année 2023, le CNFP constate une grande proximité entre les prévisions macroéconomiques du PSC 2021 et celles de la LPFP 2019-2023 établie en automne 2019 (avant-crise), et une amélioration importante par rapport aux prévisions de la LPFP 2020-2024 de l’automne 2020. A l’horizon 2025, la croissance économique réelle du Luxembourg est supposée atteindre 2,6%, ce qui est presque le double de la croissance réelle de la zone euro (1,4%). Néanmoins, la croissance réelle luxembourgeoise resterait 0,8 point de % en dessous du taux historique de 3,4% (1995-2020).
Concernant les prévisions budgétaires, la crise de la COVID-19 et les mesures discrétionnaires prises par le Gouvernement donnent lieu à une détérioration du solde nominal des administrations publiques. Selon le PSC 2021, ce dernier se situe à -4,1% du PIB en 2020. Néanmoins, on constate une amélioration par rapport à la LPFP 2020-2024 (-7,4% du PIB), qui s’explique notamment par 1) une meilleure activité économique que prévue, 2) un montant moins élevé des reports de paiement accordés aux agents économiques dans le cadre de la crise que prévu et 3) le fait que les moyens alloués aux mesures dans le cadre du programme de stabilisation et du paquet « Neistart Lëtzebuerg » n’ont pas été utilisés en totalité. Le solde nominal des administrations publiques se situe encore à -2,0% du PIB en 2021 et à-1,3% du PIB en 2022. Dans ce contexte, il convient de relever que les projections du FMI, celles de la CE et encore celles présentées par le STATEC dans sa récente NDC (-0,7% en 2021 et +0,7% en 2022) sont plus favorables.
A moyen terme, le solde nominal, tout en restant en terrain négatif en 2023 (-0,4% du PIB), est estimé s’améliorer graduellement en direction d’un solde de +0,4% du PIB en 2025. Vue la grande proximité constatée entre les prévisions macroéconomiques du PSC 2021 et celles de la LPFP 2019-2023 à partir de l’exercice 2023, cette dernière apparaît comme un point de référence utile pour apprécier les prévisions budgétaires du PSC 2021. Par rapport à la LPFP 2019-2023, il résulte ainsi encore une détérioration du solde de l’administration centrale de 1 264 millions d’euros en 2023. Si le solde de l’administration centrale est principalement affecté par les moins-values de recettes dans le sillage de la crise, l'augmentation de certains postes de dépenses non directement liées à la crise contribue toutefois également à sa détérioration.
Dans son évaluation du PSC 2021, le CNFP n’émet pas de recommandation principale, étant donnée l’application de la clause pour circonstances exceptionnelles. Il procédera à sa prochaine évaluation des finances publiques luxembourgeoises en automne à l’occasion du projet de Budget de l’Etat pour l’année 2022 ainsi que du projet de loi de programmation financière pluriannuelle pour la période 2021 à 2025.