Le Conseil national des finances publiques (CNFP) vient de publier son « Evaluation des finances publiques » préparée à l’occasion du Programme de stabilité et de croissance pour 2020. Le PSC 2020 se situe dans un contexte inédit de la crise sanitaire, économique et sociale autour du COVID-19.
Le Gouvernement a invoqué les lignes directrices de la Commission européenne (CE) du 6 avril 2020 sur l’activation de la clause pour récession économique sévère du Pacte de stabilité et de croissance et concernant la forme et le contenu des programmes de stabilité et de croissance en cette année exceptionnelle.
L’article 6 (1) de la loi modifiée du 12 juillet 2014 relative à la coordination et à la gouvernance des finances publiques (loi du 12 juillet 2014) fait référence à l’article 3 (3), point b) du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) qui prévoit que « les circonstances exceptionnelles font référence à des faits inhabituels indépendants de la volonté de la partie contractante concernée et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou à des périodes de grave récession économique telles que visées dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, pour autant que l'écart temporaire de la partie contractante concernée ne mette pas en péril sa soutenabilité budgétaire à moyen terme. »
Alors que la crise sanitaire COVID-19 est bel et bien « indépendante de la volonté » du Gouvernement et a des « effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques », la clause pour circonstances exceptionnelles citée ci-dessus ajoute la condition que l’écart temporaire de l’objectif budgétaire à moyen terme (OMT) ne doit pas mettre en péril la soutenabilité budgétaire à moyen terme. A cet égard, en ligne avec les lignes directrices de la CE, le PSC 2020 ne fournit pas d’informations quantitatives sur la viabilité des finances publiques à moyen terme. Bien que le PSC 2020 comporte l’engagement du Gouvernement d’« assurer durablement des finances publiques saines et équilibrées », il conviendra de remédier à cette carence dans le cadre de l’élaboration du projet de loi de programmation financière pluriannuelle (LPFP) 2020-2024 en octobre prochain.
Le solde structurel pour 2020 ne respecte pas l’OMT. La clause pour circonstances exceptionnelles prévue à l’article 6 (1) de la loi du 12 juillet 2014 étant activée à juste titre pour l’exercice 2020, il en résulte que pour l’année en cours le solde structurel peut s’écarter de l’OMT.
Concernant les prévisions macroéconomiques, le CNFP note que le PIB réel du Luxembourg connaîtrait une baisse de 6,0% en 2020 suivi d’un rebond « mécanique » de 7,0% en 2021. L’emploi serait marqué par une décélération forte de sa croissance et le chômage continuerait à augmenter. Ces prévisions macroéconomiques demeurent entourées d’une incertitude encore plus élevée que d’habitude.
En raison de ces incertitudes et notamment d’une palette d’incidences de la crise sur le PIB (et, partant, sur le budget des administrations publiques), une analyse de sensibilité des prévisions devrait être présentée dans le cadre de l’élaboration du projet de Budget 2021.
Concernant les prévisions budgétaires, la crise du COVID-19 et les mesures discrétionnaires prises par le Gouvernement résultent dans une détérioration du solde nominal des administrations publiques pour 2020 et 2021. Le déficit public est estimé à plus de 5 milliards d’euros en 2020 (8,5% du PIB) suivi d’un redressement du solde en 2021, mais toujours avec un déficit estimé de près de 2 milliards d’euros (3,0% du PIB). L’impact de la crise du COVID-19 se décompose en un impact macroéconomique et un impact dit « direct » faisant suite aux mesures discrétionnaires du Gouvernement. Déduction faite du montant de ces impacts, le total des dépenses et des recettes ainsi que les soldes résiduels ne présentent que des écarts limités par rapport à ceux de la LPFP 2019-2023.
L’impact budgétaire est de loin le plus important pour l’administration centrale. Le solde des administrations locales et de la sécurité sociale sont cependant aussi supposés connaître une nette détérioration en 2020 suivi d’un léger redressement seulement en 2021.
Il faut rappeler que le PSC 2020 reflète l’appréciation de la situation tant par les administrations qui l’ont préparé que par le Gouvernement, ainsi que les mesures prises au moment de son établissement,
c’est-à-dire en avril. Il en résulte que pour un certain nombre d’effets économiques et de mesures, l’incidence est limitée à 2 ou 3 mois, à compter de mi-mars. Au vu des développements récents, tant internationaux que nationaux, les hypothèses y relatives sont sujettes à remise en question, avec les conséquences sur les chiffres tant du budget que pour la dette publique.
A cet égard, en date du 20 mai (après finalisation du PSC 2020), le Gouvernement a d’ores et déjà annoncé un paquet additionnel de mesures de soutien économique, dit « Neistart Lëtzebuerg », (à un coût estimé de 700-800 millions d’euros) qui a pour objectif de poser les jalons pour un nouveau départ de l’économie luxembourgeoise suite à la crise sanitaire COVID-19.
Le CNFP procédera à sa prochaine évaluation des finances publiques luxembourgeoises en automne à l’occasion du projet de Budget de l’Etat pour 2021 ainsi que du projet de loi de programmation financière pluriannuelle pour la période 2020-2024.